Programmes des concerts 2005 - 2006 du "Concert dans l'Oeuf"


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"LE MANUSCRIT DE CHYPRE"

Argumentaire de J.M Hasler afin de réaliser ce programme.

1982 1ère rencontre avec le CDO

Livre Vermeil : Version métissée sans que le métissage soit à la mode. Nous ne nous sommes posés aucune question à ce sujet.
Nos préoccupations étaient plutôt semblables à la démarche de Dali : placer ces 10 petites pièces anciennes dans un contexte surréaliste (Les Indes, la forêt amazonienne, le bassin méditerranéen…).

Carmina Burana : nous avions imaginé un parcours initiatique allant du profane au sacré (parcours accompagné d’une mise en espace, sorte de déambulation allant du narthex à l’autel).

Rencontre avec René Zosso jouant son propre rôle !!! Création éphémère du plasticien Denis Tricot (l’embrasement de la maison du diable) au festival de Quimper.

La fête de l’âne : un seul lieu pouvait accueillir cette cérémonie : l’abbaye de Sylvanès, car les puissants (le Dominicain André Gouzes, maître des lieux, en particulier) y ont joué le jeu et ont été renversés de leur trône par les enfants.

L’âne était bien sûr présent. Le métissage aussi : Serge de Beaurecueil chantant une chanson d’amour égyptienne des années 30 accompagné par Jad au oud (rencontre fortuite et non-préméditée !).

Ceci pour le rapide historique des productions communes Camerata Vocale - CDO.
Entre temps, j’ai navigué de Purcell à Mozart, de Berlioz à T.L. de Victoria.

Dans les années 90, Mick Rochard m’avait prêté les 4 volumes du Manuscrit de Chypre. Cette musique l’intéressait, il voulait savoir ce qu’on pouvait en faire.
J’ai lu en diagonale et écouté la version enregistrée par Van Nevel …sans trouver de rapport avec les pratiques du CDO.
…et puis, en une dizaine d’années, les éléments du puzzle ont réussi à prendre forme !

1. Quelle drôle d’histoire que celle de cette île !

? Aphrodite y est née (à Pétra tou Romiou). Jacques Lacarrière voudrait faire classer le site de cette naissance au patrimoine mondial de l’humanité !
? Richard cœur de lion la conquiert…mais ne sait qu’en faire et la vend aux Lusignan : 3 siècles de colonisation française. Une cour raffinée aux marches de l’Orient.
? Une histoire récente compliquée et mouvementée : l’Angleterre laissant dégénérer un conflit ethnique, avatar de la rivalité turco-héllène. Le laboratoire de l’impuissance de l’ONU depuis 30 ans. Les camps de toile des réfugiés dans un cadre « club med ».

2. Un « fond musical » stupéfiant.

? Des centaines de pièces (contrairement au Livre Vermeil).
? Pièces sacrées (fragments de messes, motets) et pièces profanes (ballades, virelais, rondeaux) écrites en style français savant (ars nova finissant : ars subtilior) sur des textes raffinés.
? Des compositeurs surdoués …dont on ne sait rien (aura de mystère).
? La musique sacrée est nerveuse, jubilatoire ; la musique profane hésite entre le ton populaire et le langage raffiné hermétique.

3. Confrontations.

J’ai eu l’occasion depuis quelques années de monter des programmes atypiques : les styles et les époques s’entrechoquant (Le siècle d’or espagnol rencontrant Manuel de Falla par exemple).
L’idée n’est pas nouvelle : il y a 30 ans que l’on joue la messe de Machaut en même temps que celle de Stravinsky : le grand écrivain cubain Alejo Carpentier a poussé la logique à fond dans son « concert baroque ».
Mais je voulais aller plus loin, retrouver la naïveté de notre démarche d’il y a 20 ans autour du Livre Vermeil.
C’est la géographie et la mythologie qui ont servi de déclencheurs.
Chypre est une île, elle y a vu naître Aphrodite.
Les civilisations qui s’y sont développées ne se sont pas seulement côtoyées, mais mélangées (Lacarrière parle d’ailleurs de Chypriotes hellénophones et turcophones). Métissage naturel : ce que nous recherchions bien sûr.

4. Un voyage immobile.

Pour construire le programme, le voyage immobile a servi de fil conducteur.
D’abord l’idée de juxtaposer et confronter les musiques traditionnelles du bassin méditerranéen et les pièces de l’ars nova français chypriote s’est imposée.
Ensuite, pour que le rêve d’un métissage pacifique et solaire puisse se réaliser, il fallait que ce soient les mêmes musiciens qui assument tous les rôles (contrairement à « Joy » où ils n’assument qu’un seul rôle) : pari risqué, mais la logique était trouvée et le CDO avait pleinement sa place dans le projet, il en devenait même l’artisan indispensable.

La construction du programme.

Fin 2002, lecture des 4 volumes, pré choix d’une trentaine de pièces, élimination des pièces déjà enregistrées (sauf une, mais les options de révision et d’interprétation sont très différentes).

Choix définitif (10 pièces : 3 motets, 2 fragments de messe, 1 virelai, 3 ballades, 1 rondeau).

Révision avec l’aide précieuse de Luis Barbàn.

Intégration des pièces traditionnelles (crétoises, turques, iraniennes).

Organisation du programme en tenant compte des modes (principalement Dorien et Lydien) et de la variété.

La construction est symétrique : au début et à la fin, deux pièces sacrées à grand effectif, utilisant l’instrumentarium CDO, les saqueboutes et les cloches (touche byzantine). Les 3 autres pièces sacrées se situant au centre et au milieu de chaque partie du programme.

Le son de ces pièces est systématiquement différent : le motet « Sanctus » n’utilise que les saqueboutes et 6 chanteurs (certains assumant des doublures à l’octave), le Kyrie central fait entendre son cantus firmus avec les instruments CDO et les saqueboutes, il ménage un duo soliste pour le Christe ; le motet Hunc diem est encore plus dépouillé puisqu’on y entend 2 chanteurs et 2 saqueboutes.

Entre ces pièces sacrées, les 5 pièces profanes constituent de grands moments dédiés chacun à un soliste : ténor, soprano, ténor, haute-contre et baryton. Le dernier rondeau (pour le baryton) étant repris par la chalemie et les 2 saqueboutes (seule intervention de la chalemie dans le programme).

Les pièces traditionnelles viennent s’infiltrer au milieu de cet iconostase musical.

Les répétitions préalables.

Lecture à Montpellier (11 avril) et production en résidence chez moi du 29 mai au 1e juin avec répétition générale publique au moulin du Poudrier (Limoges, bords de Vienne) dans une acoustique idéale pour une générale (sèche et analytique), mais peu favorable à la synthèse sonore. Accueil enthousiaste du public.

Derniers développements.

Rencontre avec Jacques Lacarrière à Verdun (29 juillet) : longue discussion sur Chypre.

Mise en relation avec l’attaché culturel français à Nicosie.

Projet de voyage à Chypre.

 

Solistes de la Camerata vocale : direction J.M Hasler

Anne-Elisabeth Petit : Soprano
Raoul Le Chenadec : Alto
Olivier Boulicot : Tenor
Pierre Vié : Tenor
Luc Terrieux : Bariton
Jérémie Couleau : Bariton

Accompagnement du choeur aux sacqueboutes : Jean-Jacques Herbin et Takahiro Ono

Le Concert dans l'Oeuf :

Luis Barbàn : Santur, tympanon
Jacqui Detraz : Doïra, darbouka, reqq, jeu de cloches
Maurice Moncozet : Flûtes, nay, chalemies, rebec
Mick Rochard
: Viole, oud, saz, guiterne, cornemuses
Christian Zagaria : Quinton, oud

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